IntĂ©rĂȘt et Ă©cueils
Actuellement, devant la crise et, pourrait-on dire, le gigantesque scandale dâEtat que reprĂ©sente cette crise dite du Coronavirus, de nombreux groupes et collectifs de citoyens sâactivent Ă rĂ©flĂ©chir Ă ce quâils appellent « le Monde dâaprĂšs ».
Beaucoup ressentent lâurgence dâun changement radical devant un systĂšme dont ils comprennent quâil est destructeur et Ă bout de souffle. Les tenants et profiteurs de ce systĂšme conduiront jusquâau bout, jusquâĂ lâabsurdité⊠jusquâau crime (contre lâenvironnement, contre les plus vulnĂ©rables, contre le peuple) leur politique impitoyable. Beaucoup dĂ©sirent mettre fin Ă ce processus et construire une alternative.
Encore trop peu de citoyens ont rĂ©alisĂ© que le fait dâavoir une Constitution profitable au peuple, donc Ă la vraie dĂ©mocratie est au centre du sujet de changement de sociĂ©tĂ© et de systĂšme. A lâinverse, certains de ceux qui en ont conscience sâessayent Ă Ă©crire eux-mĂȘmes des projets de Constitution. Il est indispensable que dans une dĂ©mocratie vĂ©ritable, ce soient les citoyens qui dĂ©battent de ce que doit supporter la Constitution et qui rĂ©digent ses articles. En effet, les « maĂźtres » ou leurs fidĂšles « serviteurs » chercheront toujours Ă Ă©crire des Constitutions favorables Ă leurs intĂ©rĂȘts.
Mais il y a un Ă©cueil, bien naturel compte tenu de notre Histoire, longue tradition de pouvoirs autoritaires ou trĂšs hiĂ©rarchisĂ©s : il est difficile de remettre en question des dogmes politiques au sein desquels nous avons Ă©tĂ© façonnĂ©s, que ce soit dans le cadre familial, dans le cadre de lâĂ©cole et de ses programmes, dans le cadre de la sociĂ©tĂ© organisĂ©e sur le terreau de ces rĂ©gimes politiques forts du passĂ©.
Ecueil n° 1 : Se dire que la Constitution que lâon Ă©crit a vocation Ă ĂȘtre durable.
Si lâon veut sortir dâun rĂ©gime verrouillĂ©, aux nombreux concepts aujourdâhui largement rejetĂ©s, il faut admettre que le peuple aura besoin :
En consĂ©quence, les projets de Constitution Ă Ă©crire aujourdâhui doivent tenir compte dâune nĂ©cessaire adaptabilitĂ© Ă lâĂ©volution que peut connaĂźtre une Nation reprenant dĂ©mocratiquement son destin en mains.
Ecueil n°2 : Vouloir encadrer de façon la plus exhaustive et la plus précise possible toutes les situations dans lesquelles pourraient se trouver le peuple et son mode de gouvernance.
Si lâon Ă©crit une Constitution qui est par sa forme un nouveau carcan, il sera difficile aux citoyens dĂ©sireux de se libĂ©rer dâadhĂ©rer Ă un texte trop volumineux, trop encadrant, trop directif. Une Constitution ayant pour vocation de rompre avec les fonctionnements actuels et de favoriser lâĂ©mancipation politique des citoyens doit ĂȘtre un texte qui rassemble (autour de grands principes sociĂ©taux et de fonctionnement), qui apaise, qui protĂšge, qui permet dâinnover, donc qui laisse une latitude importante de dĂ©libĂ©rations et de dĂ©cisions aux assemblĂ©es de citoyens, Ă quelque Ă©tage de la sociĂ©tĂ© que ce soit. Ainsi, ce texte doit ĂȘtre assez concis et consensuel tout en assurant les garde-fous protĂ©geant le peuple dâune rĂ©cupĂ©ration politique autoritaire ou Ă©conomiquement prĂ©datrice.
Ecueil n°3 : Reprendre une sémantique usée et parfois propice à la confusion.
Les humains dĂ©veloppent leurs pensĂ©es avec le support des mots. Leur juste utilisation, lâinvention dâun vocabulaire, si nĂ©cessaire, sont donc fondamentales pour construire des idĂ©es neuves, pour Ă©viter toute confusion.
La confusion induite par les dĂ©rives sur le sens des termes, dont la « novlangue », a Ă©tĂ© un moyen de rendre ardu le dĂ©bat sur des concepts philosophiques, politiques ou sociologiques et de confisquer ce dĂ©bat au profit de petits groupes dĂ©sireux dâasseoir leur domination.
En consĂ©quence, rĂ©diger une Constitution dĂ©mocratique nĂ©cessitera dâemployer des termes comprĂ©hensibles par tous, de prĂ©ciser la signification que lâon donnera aux termes pouvant prĂȘter Ă confusion, voire de crĂ©er de nouveaux termes en les explicitant.
Ecueil n°4 : Rédiger un texte qui favorise une certaine classe sociale.
Il est tentant pour certains auteurs, mĂȘme animĂ©s de bonnes intentions au dĂ©part, de favoriser une vision, une idĂ©ologie, des intĂ©rĂȘts de classe. Ceci peut mĂȘme ĂȘtre inconscient chez certains, tant il est difficile de prendre du recul par rapport Ă sa propre histoire, par rapport Ă son environnement habituel, par rapport aux influences reçues (famille, Ă©cole, universitĂ©, mĂ©dias, discours gouvernementaux, partis politiques, syndicats, religions etcâŠ). Câest la raison pour laquelle une Ă©criture collective est importante. DĂšs lors quâune Constitution Provisoire de Transition permettra un vaste et libre dĂ©bat pour tous les citoyens, la crĂ©ation dâassemblĂ©es constituantes visant Ă modifier la Constitution Provisoire ou Ă Ă©crire une nouvelle Constitution, lâĂ©criture collective, partagĂ©e, diffusĂ©e au niveau de toute la Nation sera un exercice fondateur pour le pouvoir dĂ©mocratique.
Ecueil n° 5 : Vouloir aller trop vite.
Certaines situations revĂȘtent pour certains, parfois pour une majoritĂ©, un sentiment dâurgence. Toutefois, le temps du dĂ©bat et de lâinformation la plus large et impartiale possible est indispensable Ă la concertation et aux vĂ©rifications qui vont permettre lâĂ©laboration des articles ou de la totalitĂ© du texte constitutionnel. Dans un monde oĂč des nouvelles circulent par milliards Ă tout instant, lâanalyse Ă©toffĂ©e et collective des donnĂ©es ainsi partagĂ©es prend du temps. La Constitution ne doit ĂȘtre modifiĂ©e ou Ă©crite quâaprĂšs vĂ©rifications et dĂ©bats suffisants.
En consĂ©quence, lâĂ©criture dâune Constitution dĂ©mocratique nâest pas une mince affaire. Câest pourquoi une Constitution Provisoire de Transition a pour mission de rassembler les citoyens autour de lignes directrices consensuelles afin de crĂ©er les conditions dâinstauration dâassemblĂ©es constituantes futures ayant les moyens, le temps, lâinformation nĂ©cessaires Ă lâĂ©laboration du processus constituant accessible Ă tous.