Un entretien avec Arthur Keller réalisé en décembre 2021 par Paloma Moritz de la chaßne BLAST
Arthur Keller est expert des risques systémiques, des vulnérabilités des sociétés modernes et des stratégies de résilience collective et de durabilité.
Le prĂ©sent article rĂ©digĂ© par les Gilets Jaunes Nancy Porte Sud transpose par Ă©crit lâessentiel des idĂ©es exposĂ©es par Arthur KELLER dans cet entretien vidĂ©o :
Comment s'organiser avec nos contraintes pour avoir le meilleur des mondes possibles ? Arthur Keller, propose face au chaos qui vient, multiplication des catastrophes naturelles, rarĂ©faction des ressources, pĂ©nuries et dislocation sociale, une mĂ©thode. Pour lâexpert : âNotre systĂšme va basculer comme un icebergâ, il faut donc sây prĂ©parer au mieux aujourdâhui. Et cela passe par rĂ©parer le concept de rĂ©silience et construire un nouveau systĂšme.
Entretien de Paloma Moritz avec Arthur Keller, expert des risques systémiques, des vulnérabilités des sociétés modernes et des stratégies de résilience collective et de durabilité, auteur, conférencier, formateur et consultant. Il forme des élus à la résilience territoriale, conseille des agences publiques sur les stratégies de résilience, est à l'origine de nombreuses propositions en la matiÚre, et enseigne dans plusieurs écoles d'ingénieurs. Il travaille aussi sur la façon dont on peut utiliser les récits pour mobiliser et transformer nos sociétés.
Quels choix fait-on pour lâavenir ? Et est-ce quâon se saisi de cette question tant quâon peut le faire, ou bien laisse-t-on les puissants faire ces choix ? Le changement Ă opĂ©rer est essentiellement un changement des rapports de force.
Arthur Keller nâaime pas trop le terme dâeffondrement. Il prĂ©fĂšre visiblement parler de basculement ou de transformation. Mais sâil y a bien un effondrement aujourdâhui, câest celui du vivant.
Nous avons dĂ©passĂ© les limites de la planĂšte. Une stratĂ©gie de freinage nâest donc pas suffisante, il faut dĂ©croĂźtre. Si on le le fait pas, la nature elle-mĂȘme va nous obliger Ă dĂ©croĂźtre. Dans tous les cas, il faut prĂ©voir une dĂ©croissance des flux dâĂ©nergie et de matiĂšre. Lâimaginaire de lâavenir qui est cohĂ©rent avec la rĂ©alitĂ© physique du monde, câest la dĂ©croissance.
Or si certains voient bien les limites de notre systĂšme, dâautres sont encore dans un imaginaire de croissance, dâaccĂ©lĂ©ration. Alors comment parvenir Ă mener les transformations nĂ©cessaires ?
Le but de toutes ces actions nâest pas dâentraĂźner dans un mĂȘme Ă©lan toute la population, mais dây aller progressivement, Ă mesure du renversement du systĂšme. Ce grand renversement se fera en rĂ©alitĂ© au travers dâun multitude dâĂ©vĂšnements plus petits.
Câest une loi des systĂšmes complexes : tous les systĂšmes complexes Ă qui on impose des contraintes croissantes commencent par se dĂ©former, sâadapter, avant de basculer vers une phase dâinstabilitĂ© qui peut durer longtemps, puis enfin de trouver un nouveau point dâĂ©quilibre. Le systĂšme planĂšte-humanitĂ© nâĂ©chappera pas Ă la rĂšgle. La forte interdĂ©pendance Ă lâĂ©chelle mondiale va provoquer des cassures nettes suivi dâinstabilitĂ©s. Pour le climat, lâinstabilitĂ© pourra durer des dizaines de milliers dâannĂ©es.
Nous allons vers une descente Ă©nergĂ©tique et matĂ©rielle. Les petites bonnes nouvelles quâon entend ici oĂč lĂ ne compensent pas les tendances systĂ©miques. Les plus riches vont essayer dây Ă©chapper mais vont tomber de haut.
Alors demain ne sera pas rose mais beaucoup de choses dĂ©pendent de notre choix de sây prĂ©parer ou pas. La rĂ©silience est la cible Ă viser, dans lâesprit des « Villes en transition ».
Nous aurions besoin dâun grand courant intellectuel pour penser lâavenir, se poser des grandes questions sur nos buts, nos responsabilitĂ©s en tant quâhumanitĂ©, nos choix, pour que ces derniers ne soient pas imposĂ©s par les puissants mais rĂ©flĂ©chis collectivement.
Il faut agir Ă toutes les Ă©chelles dâespace et de temps, en essayant dâaligner les actions entre elles. Mais pour la plupart des gens, câest Ă lâĂ©chelle locale que nous pouvons agir. Agir localement permet aussi de montrer Ă tous ce qui est possible. Les actions bien rĂ©alisĂ©es et prĂ©sentĂ©es de maniĂšre inspirante donneront au plus grand nombre lâenvie de sây joindre. A force que des transformations sâopĂšrent localement et se gĂ©nĂ©ralisent, les dirigeants finiront bien par suivre. De plus, agir local favorise un sentiment dâefficacitĂ© personnelle.
Le but de construire, Ă cotĂ© du systĂšme en place, de nouvelles solutions rĂ©silientes et de pouvoir offrir des alternatives au plus grand nombre lorsquâil y aura des points de bascule. Par exemple il y a de rĂ©els risques alimentaires chroniques en France, alors mĂȘme que nous sommes un grand pays agricole, en raison de notre dĂ©pendance Ă plusieurs intrants (pĂ©trole, engrais, travailleurs, climat...). Quasiment aucun responsable politique nâarrive Ă se projeter dans ces disruptions et donc on ne sây prĂ©pare pas.
Mais gardons nous dâĂȘtre fataliste. Il nâest jamais trop tard pour Ă©viter le pire. Il faut se battre pour Ă©tendre au maximum le domaine du mieux, et limiter le domaine du pire. Il faut en parler autour de soi, bouger, dĂ©battre, lancer des groupes de discussion, des groupes de travail. On voit que trĂšs rapidement, plein dâidĂ©es Ă©mergent. Câest la dĂ©marche des villes en transition.
Travailler Ă des choses rĂ©alistes et atteignables change tout en terme dâĂ©tat dâesprit. Cela peut-ĂȘtre la peur qui fait passer Ă lâaction, mais aprĂšs quelques annĂ©es dâactions concrĂštes on constate quâelle a sacrĂ©ment diminuĂ©.
Actuellement on est pris dans tes dissonances cognitives. Il nây a QUE le passage Ă lâaction, une action collective, qui peut nous permettre de sortir de ces dissonances pour entrer en consonance et se donner des chances dâĂȘtre vraiment heureux. On a tout Ă gagner Ă se mobiliser, Ă aller sur le pont.
Chacun peut adopter diffĂ©rents rĂŽles dans les 8 grands champs dâaction identifiĂ©es prĂ©cĂ©demment. On peut distinguer :