Le mercredi 25 mai, l'association Citoyenne Nancy Sud avait proposé d'aborder le thème de l'Histoire du salariat.

Sébastien Ginhoux, agrégé d'histoire et doctorant en histoire médiévale, évoqua l’histoire du salariat, pour pouvoir le comparer avec d’autres modes d’organisation du travail, en donna une définition et chercha à tirer les conséquences politiques et sociales de ce mode d’organisation sociale du travail. Cela a permis de mettre en lumière la formation du système capitaliste et d’identifier certains de ses principaux traits.


Revoir l'exposé de Sébastien en vidéo

1/2 - l'exposé

2/2 - la causerie


Une synthèse proposée par Sébastien

Le salariat concerne en France 25 millions de travailleurs sur 28 millions. Cela représente une raison suffisante pour chercher à comprendre ce que c’est. Le meilleur outil pour comprendre le fonctionnement du salariat est l’ouvrage de Karl Marx Le Capital.

La première définition que l’on peut trouver du salariat, celle du dictionnaire, affirme qu’il s’agit d’un rapport contractuel entre un individu qui vend sa force de travail et un autre qui l’achète. Le premier élément de définition du salariat est donc qu’il s’agit d’un mode d’organisation du travail.

Le travail, dans la société, vient du fait que l’être humain a des besoins, ne serait-ce que physiologiques, qui nécessitent la production de biens de consommation. Cette production fait l’objet d’un travail : on se consacrera ici principalement sur ce travail producteur de marchandises, c’est-à-dire de biens matériels.

A l’échelle d’une société, il peut s’organiser de deux façons : soit tout le monde participe à la production, soit certains n’y participent pas et vivent donc de ce que les autres produisent. Dans ce second cas, il existe à nouveau deux modalités d’organisation : on pourrait imaginer une société dans laquelle l’ensemble de ceux qui produisent décident de mettre de côté une partie de leur produit (blé, vêtements, etc.) pour que l’un d’eux puisse ne pas avoir à produire ces marchandises et apporter autre chose à la société (en devenant, par exemple, médecin). Cependant, la plupart des sociétés historiques ont suivi un autre mode d’organisation dans lequel, par des moyens plus ou moins détournés, ceux qui ne produisent pas extorquent leur produit à ceux qui produisent.

I- L’esclavage, le servage, les deux principaux modes historiques d’organisation du travail

A- Esclavage

L’esclavage est la forme d’organisation du travail sans doute la plus ancienne et la plus répandue, aussi bien à travers le temps qu’à travers l’espace. On le retrouve sous des formes différentes dans l’Antiquité, au Moyen Age, à l’époque moderne et il existe encore aujourd’hui, quoique de façon moins admise et plus diffuse.

Le fondement historique de l’esclavage est la guerre : le gros des esclaves sont d’abord les vaincus. Celui qui est vaincu au combat, dans la plupart des sociétés antiques, devient esclave. L’organisation de l’esclavage peut varier selon lieux, elle ne dessine qu’une constante : les esclaves sont globalement plus nombreux que les maîtres.

Au Moyen Age se développe la traite d’esclaves en provenance d’Afrique, dans un premier temps menée par les royaumes arabo-musulmans d’Afrique du Nord et de la péninsule arabique. Par la suite, à l’époque moderne, la conquête du Nouveau Monde nécessite l’apport d’une main-d’œuvre massive, que les Occidentaux vont, à leur tour, chercher en Afrique, fondant ainsi le commerce triangulaire : les négriers partent des ports européens, achètent en Afrique des esclaves aux chefs locaux (capturés au combat), puis les emmènent en Amérique où ils les vendent aux planteurs.

Au total, cependant, l’esclavage n’est pas sans risque : de temps à autres éclatent des révoltes d’esclaves, plus ou moins massives, dont la plus connue est sans doute celle menée, à Rome, par Spartacus.

B- Servage

Le servage est un concept historique complexe et qui fait l’objet de nombreux débats. Ses caractéristiques, grossièrement tracées : il remplace l’esclavage en Occident, notamment sous l’influence de l’Eglise, et il s’agit d’un rapport de dépendance dans lequel l’individu (le serf) est attaché à la terre, peut être vendu avec elle et doit à son seigneur des redevances diverses, notamment des corvées. Les corvées consistent en un temps de travail donné au seigneur pour travailler sur sa terre. Par exemple, un serf peut travailler trois jours par semaine sur la terre dont il a l’usufruit et trois jours sur celle dont le produit va au seigneur (le dimanche est chômé).

Il ne s’agit là que d’une présentation très grossière de ce mode d’organisation du travail. Toujours est-il qu’il s’estompe progressivement.

C- Transitions

Le servage disparaît progressivement en Occident du XV ème au XIX ème siècle. Cette transition est progressive et la disparition du servage se fait de concert avec le développement progressif de l’industrie. Il s’estompe plus qu’il ne disparaît de façon brutale. Sa disparition fait partie des facteurs qui paupérisent les populations rurales, les contraignant à gagner les villes où elles forment le gros de la main-d’œuvre à faible coût qui permet le développement de l’industrie.

Quant à l’esclavage, ses modalités de disparition varient profondément d’un cas à l’autre – il existe d’ailleurs encore, bien que condamné plus ou moins partout. En France, il est aboli deux fois. Une première fois en 1793, sous l’impulsion de Robespierre entre autres, un texte est adopté qui abolit l’esclavage dans les colonies françaises, lesquelles entrent en rébellion contre la République. Ce texte donne cependant du grain à moudre aux esclaves et aux abolitionnistes des colonies et il est possible qu’il ait contribué à nourrir à la révolte menée par Toussaint Louverture en Haïti.

L’esclavage est ensuite rétabli par Napoléon I er , pour être finalement aboli en 1848 par le décret du 27/04, dû notamment à Victor Schoelcher. Etonnamment, ce décret n’entraîne pas de résistance : il y a à cela trois raisons. D’abord, la révolte des esclaves a conduit les propriétaires à prendre conscience du danger qu’ils représentent. Ensuite, l’Etat indemnise grassement les propriétaires d’esclaves en échange de leur affranchissement. Enfin, et surtout, le salariat est devenu plus rentable que l’esclavage, notamment avec l’interdiction de la traite : nourrir et soigner un enfant d’esclave jusqu’à l’âge où il est possible de le faire travailler représente, pour le propriétaire, une perte nette.

On voit donc que la disparition du servage aussi bien que de l’esclavage n’ont rien eu à voir avec des raisons humanistes.

II- La valeur, le travail, le salariat

La définition du dictionnaire exposée plus haut pose plusieurs problèmes : elle fait comme si celui qui vendait sa force de travail avait le choix et comme s’il était sur un pied d’égalité avec celui qui l’achète. En outre, plus grave, elle réduit le travail à une marchandise, dissimulant toutes sortes de problèmes en ignorant le caractère spécifique de la force de travail et sa dimension éminemment humaine.

Pour réellement comprendre le salariat, il faut d’abord comprendre ce que sont la valeur et le travail.

A- La valeur

La valeur première d’un produit est l’usage que l’on en a. C’est la valeur d’usage : un pain, on le mange. Cette valeur d’usage correspond au besoin, elle ne peut être mesurée (vaut- il vraiment mieux mourir de faim que de froid ?). C’est pourquoi, dans le processus historique de formation d’une économie d’échange, apparaît une autre forme de valeur.

La valeur d’échange, a priori, n’a rien d’essentiel – on pourrait tout à fait imaginer une société qui ne serait pas fondée sur l’échange de marchandises, mais sur un principe d’accès réciproque aux biens produits par un tiers. Toujours est-il que la formation historique des sociétés a conduit à la création de la valeur d’échange, qui est aussi le support du développement des inégalités.

Or, pour établir une valeur d’échange, il faut avoir un critère commun permettant de mesurer toutes les marchandises sur la même échelle. Qu’ont dont les marchandises en commun, qui puisse servir d’échelle commune de mesure ? La réponse : le temps de travail investi dans leur fabrication. Par exemple, on échangera un pain que l’on a mis deux heures à faire contre quatre carottes qui ont chacune coûté une demi-heure de temps de travail.

Initialement, cependant, on travaille pour répondre à des besoins, donc le temps nécessaire à la production des biens nécessaires à satisfaire ces besoins. Par conséquent, on échange des marchandises qui comptent un temps de travail équivalent, de sorte que le travail se retrouve également réparti à la fin.

Donc, la valeur d’échange vaut un temps de travail : que l’on troque ou que l’on achète, on troque ou on achète du temps de travail sous forme de marchandise.

Donc, en somme, un pain vaut, en valeur d’usage, le fait de le manger, et en valeur d’échange, le temps de travail investi dans sa production.

B- Travail et surtravail

Dans le cadre du besoin strict, on ne travaille quotidiennement que le temps nécessaire à la reproduction de sa propre force de travail. C’est là qu’apparaît le décalage profond entre valeur d’échange et valeur d’usage. Traitée comme marchandise, la force de travail a pour valeur d’échange (pour une journée) le temps de travail nécessaire à sa reproduction pour cette journée et pour valeur d’usage une journée de travail.

D’une certaine manière, celui qui achète la force de travail agit exactement comme s’il louait un robot : il paye pour la journée à celui qui lui loue le robot le temps dont celui-ci a besoin pour l’entretien (mettons deux heures), puis il fait travailler le robot le temps qu’il veut pour cette journée. Par exemple, il verse la valeur de deux heures de travail à celui qui lui loue le robot, et fait travailler le robot dix heures. Il en va de même avec le travailleur salarié.

Or, tout le temps que la force de travail est utilisée par l’acheteur (donc sa valeur d’usage) au-delà du temps nécessaire à sa propre reproduction consiste en surtravail, c’est-à-dire en travail non nécessaire dont le produit va directement à l’employeur. Par exemple, dans un système de servage, le serf qui travaille trois jours pour sa propre production et trois jours pour son seigneur dépense la moitié de son temps en surtravail.

Or, pour travailler, il faut deux choses : des moyens de production et de la force de travail.

C- Le système salarial

Dans le rapport salarial, les deux sont dissociés. Pourquoi en effet un individu vendrait-il sa force de travail ? La réponse en est simple : c’est la seule chose qu’il ait à vendre. Faute de moyens de production, il est hors d’état de produire quelque marchandise que ce soit. L’acheteur, au contraire, l’est parce qu’il a la propriété privée des moyens de production, à la faveur d’une usurpation (née de l’Histoire). Le propriétaire des moyens de production est le capitaliste, qui possède le capital sous ses deux formes : moyens de production et capacité à acheter de la force de travail.

Or, le but du capital est de fructifier, de « faire des petits » pourrait-on dire. Pour cela, il n’y a qu’un moyen : exploiter le travail, seul producteur de marchandises donc de richesses, en maximisant le surtravail. Par conséquent, l’allongement de la durée de travail est l’intérêt fondamental de l’employeur, du capitaliste, dans la perspective de faire fructifier son butin.

**III- Conséquences

A- L’exploitation

Dans le rapport salarial, comme dans le salaire, surtravail et travail nécessaire sont mélangés et, pour ainsi dire, indissociables, de sorte que le salarié n’a pas conscience du rapport entre ce qu’il produit et le salaire qu’il touche. Par conséquent, le système salarial favorise l’extension indéfinie du surtravail par rapport du travail nécessaire, que ce soit par accroissement de la productivité ou par allongement de la durée de la journée de travail. De plus, la monnaie – qui n’est plus que la représentation d’une valeur d’échange – se trouve tout à fait déconnectée de la valeur d’échange réelle, contribuant ainsi à masquer la réalité de l’exploitation et de la production.

Par ailleurs, cela implique la nécessité du chômage – qui n’a jamais pu « disparaître » que de manière contingente liée à des situations historiques données. En effet, les chômeurs, désireux de travailler quelles qu’en soient les conditions, forment comme une « armée de réserve » qui permet de maintenir une pression constante sur les salariés, sous la menace de leur licenciement : c’est pourquoi toute politique visant à « assouplir le droit du travail » représente en fait une perte directe pour le salarié. Le droit du travail lui-même, d’ailleurs, n’est jamais que le résultat contingent d’améliorations circonstancielles du système, dont les structures mènent dans une autre direction.

B- Les bibelots de la classe supérieure

La classe capitaliste, enfin, a besoin de travailleurs spécialisés, qui remplissent auprès d’elle une fonction comparable à celle d’articles de luxe. Il s’agit des médecins, professeurs, etc. Tous ceux dont le travail ne produit pas directement de marchandises se trouvent, historiquement, dans une situation de dépendance directe à l’égard de la classe dominante. Leur travail, pourtant, représente un bien pour l’ensemble de la société – mais la genèse historique du capitalisme a fait d’eux des dépendants de la classe supérieure. Ce n’est qu’à la faveur de circonstances historiques exceptionnelles (la Seconde Guerre Mondiale) qu’ils ont pu bénéficier, provisoirement, à tout le monde.

En effet, l’Université pour tous, la Sécurité Sociale, etc. sont des héritages du Conseil Nationale de la Résistance, et s’ils sont aujourd’hui directement menacés par les politiques de nos gouvernements successifs, c’est tout simplement qu’ils sont superflus dans la marche normale du capitalisme, qui ne vise pas à former des citoyens, mais des agents de production et de consommation.

Leur existence, pourtant, pourrait tout à fait reposer sur le vouloir collectif, et l’organisation sociale du travail pourrait être tournée vers cette forme d’équilibre de la société.



🛑Unissons-nous ! Résistons ensemble,

pour se libérer, du système mafieux politico-financier de la 5° République, ensuite de cette Europe qui veut imposer son nouvel ordre mondial.

Avec tous les citoyens de bonne volonté pour un monde meilleur.

Vive le RIC, premier pas vers une véritable démocratie, pour un gouvernement provisoire de transition, et la réorientation de tous les secteurs vers le bien commun.

On est Là !...

Crédit photo : Chaplin - Les temps modernes, par Breve Storia Del Cinema

Article suivant Article précédent