Aujourdâhui, Ă lâoccasion dâune crise sanitaro-sociale au cours de laquelle vont se dĂ©rouler en France des Ă©lections prĂ©sidentielles et lĂ©gislatives, de profondes fractures idĂ©ologiques traversent notre quotidien.
On entend sâĂ©lever des voix qui voudraient nous inciter Ă un « retour vers la grandeur passĂ©e de la France ».
La grandeur coloniale ?
La grandeur due Ă lâampleur du pillage des ressources de pays Ă©loignĂ©s ?
La grandeur dâun rĂ©gime qui a trahi depuis longtemps un idĂ©al rĂ©publicain et surtout dĂ©mocrate ?
La grandeur dâune diplomatie Ă©vitant soigneusement la remise en cause sincĂšre dâun systĂšme Ă©conomique destructeur de lâenvironnement autant que des plus humbles ?
Ou bien la grandeur des esprits Ă©clairĂ©s, savants, chercheurs, artistes, crĂ©ateurs, humanistes, militants gĂ©nĂ©reux (et non pas guidĂ©s par la volontĂ© de pouvoir ou dâintĂ©rĂȘts pĂ©cuniaires) ?
La grandeur des travailleurs dĂ©vouĂ©s Ă leurs missions malgrĂ© lâĂ©rosion des moyens, calculĂ©s sur lâautel de la « rentabilité » (notion fumeuse) ?
La grandeur des services publics quasiment disparus en rĂ©alitĂ© aujourdâhui (Ă©nergie, transports, santĂ©, enseignement etcâŠ) ?
Ce passĂ© il faut le regarder et lâanalyser en face. Il nâest ni un alibi, ni un refuge, ni une faute inexpiable.
Il est fait de faiblesses, de lĂąchetĂ©s, mais aussi dâinitiatives courageuses, hĂ©las trop peu nombreuses certes ;
dâillusions, de manipulations, mais aussi de prises de conscience, de messages dâalerte ou de projets, qui trop souvent dĂ©rangent ;
de progrÚs technologiques mais aussi de surveillances excessives pouvant déboucher sur des situations totalitaires ;
de choix politiques clairement capitalistes et « pro-finances » mais aussi, du moins sous nos latitudes, dâune pĂ©riode de paix inhabituellement longue.
Chaque gĂ©nĂ©ration a eu des dĂ©fis Ă relever, des contradictions et des risques Ă affronter. Certaines gĂ©nĂ©rations ont connu des moments particuliĂšrement cruciaux⊠mais, notre Ă©poque est confrontĂ©e Ă un risque inĂ©dit : celui dâune destruction massive des qualitĂ©s de « viabilité » de notre environnement naturel originel. Ce qui est le plus stupĂ©fiant dans lâaffaire est notre immobilisme, notre passivitĂ© collective devant ce risque majeur. Pourquoi ?
Car il sâagit bien de CHOIX. Il nâest plus temps dâessayer misĂ©rablement de nous dĂ©douaner de nos erreurs, de les attribuer aux uns ou aux autres. Il nous faut les admettre et les rĂ©parer, car nous en portons tous la responsabilitĂ©.
Lâillusion dâavoir cru que nous pouvions prĂ©tendre Ă devenir des dieux.
Les progrĂšs technologiques, la foi en une Science omnipotente, la domestication de toute forme de vie animale, vĂ©gĂ©tale, lâexploitation dĂ©mesurĂ©e des ressources de la planĂšte, la conquĂȘte spatiale, une mĂ©decine performante⊠tout cela a contribuĂ© Ă un sentiment de toute-puissance presque divine qui nous a fait oublier notre condition de mammifĂšres dĂ©pendants dâun certain substrat vital.
La satisfaction de désirs individuels, du moins dans les pays suffisamment riches, a été valorisée, favorisant une surproduction excessive et une infantilisation de nos appétits et de notre philosophie de vie. Ces désirs sont devenus des besoins dont nous ne savons souvent plus nous passer malgré leur coût écologique.
La passivitĂ©, la servitude volontaire se sont installĂ©es en mĂȘme temps que notre confort physique. Nous acceptons aujourdâhui des modes de domination, des fossĂ©s grandissants entre castes sociales, le rĂ©trĂ©cissement des droits et libertĂ©s autrefois gagnĂ©s par dâĂąpres combats pour ne pas remettre en question (provisoirement) le crĂ©dit contractĂ©, le mode de transport, les vacances au ski, le vĂȘtement Ă la mode ou « de marque » etc⊠Nous avons pris lâhabitude de la prĂ©sence des SDF comme faisant partie naturelle du tableau de notre quotidien.
Les petites luttes corporatistes encadrĂ©es par des syndicats trop souvent paralysĂ©s par leur fonctionnement institutionnel ont cassĂ© la vision dâensemble des besoins rĂ©els de la sociĂ©tĂ© prise dans sa globalitĂ©. Et notre soumission Ă une Constitution autorisant des pouvoirs exorbitants Ă un petit nombre de dirigeants au mĂ©pris de la dĂ©mocratie, dont ils osent se revendiquer aussi souvent quâils la violent, nous prive de toute transformation salutaire de notre modĂšle Ă©conomique et politique dĂ©passĂ©.
Enfin, le cynisme non avouĂ© qui consiste Ă nous dĂ©fausser sur les gĂ©nĂ©rations les plus jeunes (Ă chacun sa « merde », ce sera Ă eux de rĂ©gler « leur »problĂšme) nous fait rompre avec une loi habituelle de la Nature qui consiste Ă viser la prĂ©servation de lâespĂšce. Car, en effet, il peut y avoir les conflits et des sacrifices au sein dâune espĂšce, mais cette derniĂšre met, malgrĂ© tout, des stratĂ©gies en Ćuvre pour perdurer. Aurions-nous perdu cet instinct-lĂ Â ? Acceptons-nous que seule une minoritĂ© tire son Ă©pingle du jeu ? Ou bien acceptons-nous quâHomo Sapiens aille au bout de la course folle qui le mĂšne Ă dĂ©truire ce qui lui permet de Vivre ?
Elles payent la dĂ©mesure, les croyances flatteuses mais trompeuses, la lĂąchetĂ©, les attitudes de dĂ©ni qui nous ont conduits, toutes et tous, aujourdâhui, Ă une situation mondialement consternante qui sâaggrave jour aprĂšs jour.
La crise sanitaro-socialo-politique qui aujourdâhui alimente nos quotidiens est juste le dĂ©but de lâeffondrement systĂ©mique et civilisationnel que nombre de chercheurs ont annoncĂ© dans lâindiffĂ©rence des populations et des gouvernants quâelles se sont choisis. Quel Ă©vĂšnements encore plus durs attendons-nous pour rĂ©agir ?... A moins que nous ne portions collectivement en nous une sombre et sournoise pulsion dâautodestruction ?
Il faudra bien plus quâun vaccin, quel quâil soit, pour rĂ©soudre le problĂšme. Il faudra bien plus que des Ă©lections, pĂ©ripĂ©ties dâun rĂ©gime malade, pour entreprendre les transformations de nos vies et de nos esprits. Il faudra bien autre chose quâun ordre fasciste mondial pour sauver la planĂšte.